1Ăšre Ă©dition du Salon du Livre de Senlis Lecture - Conte - PoĂ©sie, CinĂ©maïSenlis 60300ïDu 28/09/2022 au 02/10/2022Pour diversifier son offre culturelle, la ville de Senlis souhaite mettre Ă lâhonneur le livre et les auteurs en organisant son Salon du livre. Ce nouvel Ă©vĂšnement, qui se tiendra tous les 2 ans, proposera des rencontres avec des auteurs, des tables rondes sur des thĂšmes dâactualitĂ©, des ateliers, des projections de films. Au programme Des ateliers dâauteurs jeunesse en milieu scolaire les jeudi et vendredi, Des animations et de la restauration le week-end, sur la Place Saint-Pierre qui sera piĂ©tonne pour lâoccasion La projection au cinĂ©ma du film King le vendredi en prĂ©sence du scĂ©nariste Jean-Baptiste AndrĂ©a prix Femina des lycĂ©ens, prix RTL-Lire, Le spectacle musical et dessinĂ©, Anatole Latuile, le spectacle qui dĂ©coiffe, Ă ne pas rater le samedi, en prĂ©sence des auteurs, de lâillustrateur et de la chanteuse LĂ©opoldine HH, Des signatures et rencontres avec les auteurs le samedi et le dimanche. Parmi les auteurs invitĂ©s, vous retrouverez Philippe Besson, Monica Sabolo, Nicolas dâEstienne dâOrves, Mathieu Menegaux, Mahir Guven, Oxmo Puccino, Jean-Baptiste AndrĂ©a, Claire Berest, Olivier Liron, Claire Norton, Olivier Bal⊠et en jeunesse Olivier Muller, Anne Didier[...]
LecinĂ©aste sâĂ©tait fait connaĂźtre du public grĂące Ă ce film sorti en 1986, adaptation du roman de Philippe Djian, avec Jean-Hugues Anglade et BĂ©atrice Dalle. Les sirĂšnes d'alertes se sont tues depuis une demi heure environ. L'espace aĂ©rien au-dessus de la ville et du port est rempli du vrombissement de milliers de moteurs allemands. Le ciel est Ă©claboussĂ© d'Ă©clatements de la DCA anglaise. AussitĂŽt l'enfer se dĂ©clenche de tous cĂŽtĂ©s Ă la fois. Une pluie d'incendiaires descend sur les quais du grand port, sur les bassins des deux rives, les entrepĂŽts et la ville elle-mĂȘme. Une conflagration gigantesque se dĂ©clare. Des entrepĂŽts s'embrasent, leurs murs s'Ă©croulent dans un bruit infernal livrant ainsi passage Ă leur contenu devenu incandescent, lequel se dĂ©verse ensuite sur les quais puis dans les bassins. Ces incendies dĂ©gagent non seulement une chaleur insupportable, mais des gaz toxiques, des fumĂ©es suffocantes et des nuages de vapeurs. Les grues s'Ă©croulent ou s'Ă©crasent. Vers cette heure lĂ , notre "LĂ©opold II" qui s'est fait tout petit reçoit sa premiĂšre participation Ă la distribution gĂ©nĂ©rale. Pas moins d'une douzaine d'incendiaires l'atteignent, de toutes parts. Le premier officier Henry Dom, et le 4e mĂ©canicien Erasme Ansenne, aidĂ©s des quelques hommes Ă bord, s'emparent prestement de ces engins, pour les rejeter incontinent dans le bassin. Il leur faut ĂȘtre rapides car ces engins peuvent prendre feu dans les mains, et alors... Le navire, nous l'avons dit, est en grande rĂ©paration. Quelques hommes seulement sont inscrits au rĂŽle, et de ceux-ci plusieurs sont bloquĂ©s en ville. Sous le commandement de Joseph Sarens les quelques prĂ©sents Ă bord vont sauver leur navire et vous allez voir comment. C'est Ă peu prĂšs Ă ce moment que d'un coup s'embrase l'entrepĂŽt situĂ© Ă l'avant du vapeur. TransportĂ©s par le vent et par les flammes Ă©normes et furieuses et aussi projetĂ©s par les explosions incessantes, des dĂ©bris incandescents se mettent Ă pleuvoir dru sur le pont avant et sur les prĂ©larts des Ă©coutilles. Les manches Ă incendie sont immĂ©diatement dĂ©roulĂ©es puis mises en route. Un puissant jet arrose maintenant l'avant du navire. Des fragments de toute nature traversent l'air en sifflant et s'abattent partout briques, pavĂ©s, morceaux de rails, Ă©clats de bombes et de la DCA, dĂ©bris de wagons, poutrelles, blocs de bĂ©ton et des tas de dĂ©bris d'origine indĂ©finissable, sans compter les colossales gerbes d'eau jaillies du bassin. Nos marins restent Ă leur travail sans dĂ©faillance aucune, debout sous le souffle des explosives, tentant de rĂ©sister Ă la chaleur Ă©pouvantable dĂ©gagĂ©e par les immenses brasiers qui, de toutes parts entourent maintenant le navire. Et tout cela sans autre protection, que leur farouche dĂ©termination et encore, peut-ĂȘtre, celle d'un casque d'acier... Mais voici que le vapeur Argos Hill 7178 tonnes, 1922 accostĂ© Ă proximitĂ© du nĂŽtre prend feu d'un bout Ă l'autre. Circonstance terrifiante l'immense brĂ»lot qu'est devenu ce navire toutes amarres brĂ»lĂ©es, se met Ă dĂ©river dans le bassin et s'approche du notre. La chaleur est devenue infernale, l'Ă©nervement au paroxysme ; la respiration difficile. Des explosions formidables se produisent de toutes parts. Des volcans d'Ă©tincelles, des Ă©ruptions de dĂ©bris incandescents, jaillissent dans tout le ciel. Nos hommes sont projetĂ©s en tous sens par les dĂ©placements d'air. Vers deux heures du matin un choc se produit Ă l'arriĂšre. Le vapeur tremble dans toutes ses membrures. Une bombe a touchĂ© directement chacun retient son souffle, s'attendant Ă l'explosion qui va arracher l'arriĂšre du vieux vapeur... mais cette explosion ne vient pas... Sarens, Dom, Ansenne, et d'autres avec eux courent Ă l'arriĂšre. Ils constatent que cette bombe est tombĂ©e sur la plate-forme du canon, a traversĂ© le pont de la dunette, le pont principal, la chambre du cuisinier et qu'elle est ressortie Ă travers la coque du navire. Elle repose maintenant dans la vase du bassin. Curieux que cette bombe n'ait pas dĂ©tonnĂ©. Subitement l'idĂ©e leur vient ; si c'en Ă©tait une Ă retardement ? ... Il ne manquerait plus que cela ! A moins que ce soit un ratĂ©... Que faire ? DĂ©haler vers l'avant ? Inutile d'y songer l'entrepĂŽt est une fournaise infernale. Ses murs et ses marchandises encombrent le quai et comblent partiellement le bassin. De plus les grues chavirĂ©es encombrent le plan d'eau... Pas moyen non plus de s'Ă©carter du quai car l'Argos Hill, toutes superstructures effondrĂ©es, cheminĂ©e pendant par-dessus bord et mats pliĂ©s continue de brĂ»ler de bout en bout. Il est tout prĂšs du flanc bĂąbord et il dĂ©gage une chaleur phĂ©nomĂ©nale. Sarens ne peut donc rien faire d'autre qu'attendre. AprĂšs tout rien ne dit que le mĂ©canisme du retardement n'est pas foutu. Si elle Ă©clate ? HĂ© bien on avisera alors. Nos hommes sont tirĂ©s de ce raisonnement par un nouveau dĂ©sagrĂ©ment. Les Allemands, volant bas, mitraillent tout ce qui se trouve devant leurs tubes. L'atmosphĂšre irrespirable rĂ©sonne de piaulements. AprĂšs le feu, aprĂšs les destructions, la mitraillade et on prĂ©tend que les marins du commerce ne sont point des combattants... Allons donc ! Pourquoi les a-t-on armĂ©s alors ? Les incendiaires ne cessent de pleuvoir. Celles qui s'Ă©crasent sur le quai Ă tribord, sont immĂ©diatement Ă©teintes par nos marins, car elles Ă©clairent vivement le vapeur, et cela n'est pas nĂ©cessaire. Au cours de ces opĂ©rations-ci, Dom se brĂ»le griĂšvement le pied gauche. Cette alerte passĂ©e et Ă peine nos hommes sont-il remontĂ©s Ă bord, Sarens en serre-file, que ce dernier est lancĂ© avec violence contre une paroi de cabine. C'est le dĂ©placement d'air d'une explosive qui vient de dĂ©tonner lĂ oĂč nos hommes travaillaient quelques secondes auparavant. Le capitaine est contusionnĂ© et ne pourra se servir de son bras gauche pendant plusieurs jours. Vers les trois heures du matin un geyser jaillit brusquement du fond du bassin, entre le couronnement tribord et le quai. La vase recouvre le quai et l'arriĂšre. C'est la bombe de tout Ă l'heure qui secoue le navire. Dom, Ansenne et d'autres descendent prĂ©cipitamment dans la cale 4 afin d'y constater les dĂ©gĂąts subis. Des coutures sont crevĂ©es et par celles-ci l'eau jaillit avec force. Des coins de bois immĂ©diatement enfoncĂ©s dans les dĂ©chirures accessibles, ralentissent ces entrĂ©es d'eau. Ansenne remonte de la cale pour redescendre immĂ©diatement dans la chambre des machines. Il met les pompes en marche, mais elles n'Ă©talent pas. Les tuyauteries, on le constate alors, ont Ă©tĂ© dĂ©mantibulĂ©es. Sarens donne la permission d'ouvrir les trous d'homme du ballast 4. Ceux ci ne sont dĂ©vissĂ©s qu'avec beaucoup de peine, car il y a prĂšs de trois pieds d'eau par-dessus eux... L'eau s'engouffre aussitĂŽt dans le bouchain d'oĂč les pompes l'Ă©vacueront rapidement. De nouveaux coins sont enfoncĂ©s. Les rentrĂ©es d'eau sont maintenant sous contrĂŽle. Une couture est particuliĂšrement mal en point car, situĂ©e Ă environ un pied sous la flottaison, elle est dĂ©chirĂ©e d'un pied dans le sens horizontal et d'un pied dans le sens vertical. Elle ne sera accessible que lorsque l'on aura pu se hisser jusqu'Ă elle. Pendant ce temps lĂ , seul dans la chaufferie, et dans la machine Ansenne doit dĂ©coupler les tuyaux d'arrivĂ©e des bouchains la chambre des machines de façon Ă pouvoir pomper directement de ces bouchains. Il lui faut aussi dĂ©couvrir suffisamment les feux afin d'avoir de la pression pour les pompes. Au dehors les explosions ne cessent pas. Au jour naissant, le paysage de la veille se trouve ĂȘtre totalement modifiĂ©. Personne ne s'y reconnaĂźt. Mais l'aube qui a chassĂ© l'Allemand permet aussi d'apercevoir deux bombes gisant sur le quai, et qui n'ont pas Ă©clatĂ©. Elles aussi sont, sans doute, Ă retardement... La police du port donne, Ă cinq heures, l'ordre d'Ă©vacuer le navire. Nos hommes la trouvent raide celle-lĂ , suite Ă ce qu'ils viennent de subir pendant prĂšs de sept longues heures, mais il faut obĂ©ir... Des spĂ©cialistes "dĂ©sactivent" ces charmants engins et vers 7 heures, Sarens doit parlementer avec la police pour pouvoir, lui et ses hommes, retourner Ă bord. Il craint en effet que l'eau qui continue d'envahir la cale 4 ne fasse tout simplement couler le navire. Bien lui en a pris d'agir de la sorte car, en ce faisant, il s'Ă©vite un danger plus grand, peut-ĂȘtre que tous ceux qui, ont menacĂ© jusqu'ici. En effet, rentrĂ© dans son domaine, Ansenne s'aperçoit qu'une chaudiĂšre est Ă sec d'eau. Il n'aurait plus manquĂ© que celle-ci fasse explosion... Ensuite, Sarens fait remplir le ballast avant, modifiant ainsi l'assiette du navire. Celui-ci se retrouve le lendemain piquant du nez, mais avec les coutures dĂ©chirĂ©es de l'arriĂšre sĂ©chant Ă l'air. Le navire est dans un Ă©tat pitoyable portes arrachĂ©e, tĂŽles de cabines dĂ©foncĂ©es, carreaux en miettes, mobilier brisĂ©, cabines dĂ©vastĂ©es, canot tribord partiellement incendiĂ©, etc... Nous n'avons pu dĂ©terminer avec certitude quelles Ă©taient les personnes Ă bord. Mais de divers Ă©lĂ©ments recueillis nous pouvons citer Joseph Sarens capitaine Henry Dom chief officer Erasme Ansenne 4e mĂ©canicien Auguste Vermaelen maĂźtre d'hĂŽtel Pierre Vermeulen cuisinier Des six personnes suivantes, certaines d'entre elles Ă©taient peut-ĂȘtre Ă bord mais nous ne saurions spĂ©cifier lesquels Wellens, Coorman, Geeraerts matelots Henri Sels, Joseph Everdepoel, Louis Petit donkeymans Ces hommes ne figurent d'ailleurs pas tous au rĂŽle d'Ă©quipage, de plus certains de ces hommes rĂ©guliĂšrement inscrits n'Ă©taient plus prĂ©sents Ă bord. Nous avons eu le double du rĂŽle en main, seul document existant encore. Circonstances de l'Ă©poque... RĂ©parĂ©, le vapeur va Ă Wabana Terre-Neuve sous le commandement de A. Costermans. Il en revient avec une cargaison de minerai de fer mais doit passer en cale-sĂšche pour subir de nouvelles rĂ©parations.Skateboard"Prominence" - John CRASH Matos . Technique : impression sur skate deck. NumĂ©rotĂ© sur 30 au dos. Format : 80 x 20 cm . AnnĂ©e de rĂ©alisation : 2021. Un certificat siJe crois quâil est temps dâen parler, de dire ce quâil sâest rĂ©ellement passĂ©. Comment, sur un cargo naviguant en pleine mer, un passager Ă rĂ©ussi Ă disparaĂźtre. Six jours Ă bord, ce nâest pas suffisant pour connaĂźtre les trente membres de lâĂ©quipage du porte-conteneurs le Lisa Marie. Mais peu Ă peu, jâai commencĂ© Ă retenir les visages, les noms puis les grades de beaucoup dâentre eux. Je sais qui est ingĂ©nieur, qui sâoccupe du systĂšme Ă©lectrique, de la sĂ©curitĂ© Ă bord et surtout, ceux qui forment la watch team. Jây ai passĂ© des heures dans cette grande tour de navigation, jâĂ©tais prĂ©sente lorsquâon a manĆuvrĂ© pour quitter le port de Buenaventura. Je me souviens trĂšs bien de tous les officiers qui sâactivaient pour faire bouger notre gros ventre du port. Il Ă©tait lĂ , un petit peu Ă lâĂ©cart des autres, assis sur une chaise haute en bois comme sâil Ă©tait au bar et quâil attendait une pinte. Il avait une casquette, un t-shirt rouge et il regardait tantĂŽt dehors, tantĂŽt le tracĂ© du bateau sur son Ipad. Mais surtout, il Ă©tait plus ĂągĂ© que tout le monde Ă bord, je lâai su tout de suite. Il ressemblait Ă un vieux marin qui avait parcouru toutes les eaux chaudes du globe. On aurait dit quâil vĂ©rifiait tout, quâil supervisait je dirais mĂȘme. Juste derriĂšre lui, le capitaine du Lisa Marie donnait ses ordres pour que lâon ajuste notre trajectoire. Et lorsquâon sâest pleinement positionnĂ© dans lâaxe, on est parti tout droit loin du port en sâenfonçant dans le noir de la mer. Je suis descendue du pont Ă ce moment-lĂ , il nây avait plus rien Ă voir et jâavais faim. La traque Les jours passaient et je commençais reconnaĂźtre les membres de lâĂ©quipage. Je savais mĂȘme Ă prĂ©sent qui Ă©tait roumain et qui Ă©tait ukrainien. Un matin en explorant les longs couloirs du navire, je me suis rendue compte que la liste des membres du crew Ă©tait affichĂ©e sur les murs. Les noms, les grades, les numĂ©ros de passeport, les dates de naissance de chacun Ă©taient indiquĂ©s et classĂ©s par ordre hiĂ©rarchique. Alors que je scrutais mĂ©ticuleusement chaque ligne pour essayer de mâen souvenir, je fis une dĂ©couverte qui mâhorrifia. JâĂ©tais la derniĂšre du classement ! Ils mâavaient mise 32Ăšme et bonne derniĂšre. JâĂ©tais sacrĂ©ment vexĂ©e dâĂȘtre en queue de peloton. Mais autre chose mâa tout de suite sautĂ© aux yeux il manquait quelquâun dans la liste. Car câĂ©tait Ă©vident, en parcourant toutes les dates de naissance, il manquait le vieux marin sur sa chaise haute de bar. CâĂ©tait impossible quâil soit lâun dâentre eux puisque personne Ă bord nâavait visiblement plus de 50 ans. Il Ă©tait plus ĂągĂ©, je mâen souvenais trĂšs bien, au moins 67 ans. Alors pourquoi nây Ă©tait-il pas ? OĂč se cachait-il et pourquoi ? Jamais il nâest revenu dans la wheel house, je lâaurais vu, et jamais il nâest venu manger Ă la table des officiers. Visiblement il ne sâintĂ©ressait plus Ă la navigation et il nâavait pas besoin de nourriture. Alors jâai commencĂ© Ă enquĂȘter discrĂštement en demandant au capitaine En dehors du crew et des deux passagers, il y a dâautres personnes Ă bord ? âPas en ce moment non, mais câest une bonne question. Par exemple, le jour oĂč tu es montĂ©e, deux Allemands sont descendus, des ingĂ©nieurs chargĂ©s de mesurer le niveau de vibration du navire, celles Ă©mises par le moteur. Ils sont restĂ©s quelques jours, tout comme un inspecteur britannique dâailleurs, qui vĂ©rifiait que la sĂ©curitĂ© Ă bord Ă©tait bien assurĂ©e». Il se foutait de moi, ce nâĂ©tait pas possible autrement. Câest qui le vieux alors ? Et oĂč est-il ? Pourquoi personne ne parle jamais de lui ? Peu Ă peu, cette histoire a commencĂ© Ă mâobsĂ©der. Jâaurais pu le demander franchement Ă nâimporte qui mais je nâai pas osĂ©. Alors jâai continuĂ© mon enquĂȘte, jâavais encore une autre idĂ©e. Le barbecue Je crois pouvoir dire que câĂ©tait un peu en mon honneur. Le samedi aprĂšs-midi, le capitaine avait dĂ©cidĂ© dâorganiser un barbecue pour lâensemble du crew sur lâun des pontons du navire. DâaprĂšs les autres, cela faisait trĂšs longtemps quâil nâen avait pas fait. Aujourdâhui, il voulait faire plaisir Ă tout le monde et aussi un peu Ă moi, la seule fille Ă bord. Lâoccasion Ă©tait parfaite, pour la premiĂšre fois au milieu des merguez et du taboulĂ©, il y aurait tout le monde rĂ©uni au mĂȘme endroit. Nous avions rendez-vous Ă 15 heures, quand je suis arrivĂ©e, la scĂšne Ă©tait sublime trente marins souriants, la musique forte comme jamais car on savait bien quâon nâallait pas dĂ©ranger grand monde sur lâocĂ©an, de la fumĂ©e qui filait Ă la mĂȘme vitesse que le bateau, quelques biĂšres et une bouteille de vin blanc Français. Ils avaient tous lâair drĂŽlement heureux de faire enfin autre chose, quelque chose de presque normal. On tournait les saucisses sur le grill au milieu de centaines de conteneurs comme si on lâavait fait chez un collĂšgue qui avait un petit jardin. A un moment, tout le monde sâest mĂȘme appuyĂ© contre la balustrade pour regarder les dauphins qui sâĂ©lançaient dans les vagues. Je mâassois Ă table sur une chaise laissĂ©e vide pour moi, Ă la droite du capitaine. Peu de visages me sont familiers. Ils sont tous lĂ , ceux que je ne vois jamais, ceux qui ne sont pas officiers et qui travaillent Ă plus de 200 mĂštres de ma cabine. Ils sont jeunes, souvent blonds, quelques tatouages sur la nuque ou les mollets. Parmi eux, je suis bien heureuse de reconnaĂźtre lâhomme qui le premier jour avait portĂ© Ă lui seul tous mes sacs sur lâimmense escalier menant vers le ciel. Je lui souris, il me fait un clin dâĆil. A table, tout le monde rit et se ressert plus que de raison. Je suis le mouvement moi aussi et verse copieusement du vin blanc français dans mon verre. Entre chaque gorgĂ©e, je balaye le pont des yeux mais rien nây fait, mon passager mystĂšre nâest pas lĂ . Je dĂ©cide alors dâinvestiguer davantage. Avant de venir, jâai pris la liste des membres du crew avec moi. A cĂŽtĂ© de moi, il y a le second ingĂ©nieur, Camil. On a le mĂȘme Ăąge et câest un grand bavard, je nâai aucun mal Ă lâutiliser pour mettre un nom sur les visage. La liste Ă la main, nous faisons discrĂštement lâappel. Yuri, câest celui qui est Ă cĂŽtĂ© des courgettes, le visage trĂšs rond, les yeux slaves. Igor, câest la montagne lĂ -bas, celui qui se lĂšve pour prendre du pain. Oh, je reconnais Rubil Ă trois chaises de moi, le second officier toujours froid et distant avec moi. Et puis, on prend le temps de passer les huit Sacha en revue, ça Ă©limine dĂ©jĂ beaucoup de suspects. Mais personne ne correspond au profil, câest Ă©vident. Soudain, une idĂ©e lumineuse me vient Mais qui pilote le bateau en ce moment pendant quâon mange ?! â Câest Laurentiu le puni, tu le connais bien, câest ton modĂšle photo prĂ©fĂ©rĂ© ah ah !» plaisante Camil en guise de rĂ©ponse. Il a raison, je le connais bien et je suis extrĂȘmement déçue. Alors jâen viens Ă la conclusion la plus Ă©vidente le passager mystĂšre ne mange pas. Câest un ĂȘtre sans appĂ©tit qui se nourrit dâautre chose, dâune autre substance, mais de quoi ? Ou alors, peut-ĂȘtre quâil est otage quelque part, que quelquâun lâa enfermĂ© dans les bas-fonds du bateau ? Est-ce possible quâil soit dans un conteneur ? Je nâen sais rien, mais je vais le trouver. Il y a eu des manquements de sĂ©curitĂ© » Le lendemain au petit-dĂ©jeuner, le capitaine a une autre surprise pour moi, il organise ce jour-lĂ , une rĂ©union de lâensemble du crew sur la sĂ©curitĂ© Ă bord. Il y a eu quelques manquements, quelques incidents Ă bord et je dois mettre les choses au clair», mâa dit le capitaine en guise dâinvitation. Je suis trĂšs surprise mais heureuse dâĂȘtre conviĂ©e Ă ce meeting, câest la premiĂšre fois que jâai lâimpression dâavoir un rĂŽle. Lâheure venue, tout le monde doit descendre dans le bureau des officiers au niveau de lâupper deck. Et Ă cet Ă©tage, il est obligatoire de porter la combinaison intĂ©grale et les chaussures de sĂ©curitĂ©. Ce qui existait encore de fĂ©minitĂ© en moi sâen trouve tout dâun coup anĂ©anti. Jâarrive dans la salle, je suis la derniĂšre Ă mâinstaller. On me libĂšre tout de suite une chaise, comme si jâĂ©tais importante, comme si jâallais devoir parler. Le capitaine passe tout en revue le coronavirus, les manquements aux rĂšgles dâhygiĂšne, les fautes relevĂ©s sur le ponton, comme un casque mal ajustĂ© ou lâoubli des gants, les rapports de sĂ©curitĂ© rendus en retard⊠On fait aussi un point sur la qualitĂ© de lâhuile, lâusage du carburant, la vitesse du navire et les process de sĂ©curitĂ©. JâĂ©coute attentivement tout en balayant lâassemblĂ©e. Je reconnais les huit Sacha, le chef ingĂ©nieur, le cuisinier, le second ingĂ©nieur et les yeux bleus de Mihael qui me fixent Ă lâautre bout. Mais toujours pas de passager mystĂšre. Câest trĂšs clair, ce vieil homme ne pilote pas le navire, nâaime pas les saucisses et sâen fiche de la sĂ©curitĂ© Ă bord. Lâaveu Pour fĂȘter mon dernier soir Ă bord, nous avions dĂ©cidĂ© de descendre une bouteille de mauvais vin. JâĂ©tais bien triste dâabandonner le navire si tĂŽt, aprĂšs seulement six jours de mer, et bien triste de partir sans avoir rĂ©solu cette satanĂ©e enquĂȘte. AprĂšs tout, peut-ĂȘtre que je lâavais imaginĂ© ce vieil homme⊠Quâimporte puisque Ă prĂ©sent nous cĂ©lĂ©brons tous ensemble ma derniĂšre soirĂ©e. Et puis, câest arrivĂ© dâun coup, comme la nuit qui tombe trop tĂŽt et surprend tout le monde. Nous arrivions presque au PĂ©rou, les lumiĂšres du port nous appelaient dĂ©jĂ comme des sirĂšnes. Alors que jâĂ©tais dĂ©jĂ bien avinĂ©e et commencais Ă monopoliser la conversation, le passager Allemand mâa interrompu avec cette question aux officiers Sait-on Ă quelle heure arrive le pilote ? â Oh il est dĂ©jĂ Ă bord depuis une heure, on arrive là », rĂ©pondit tranquillement Camil. Le pilote ? Câest qui ça le pilote ?» demandais-je en essayant de suivre leurs propos. -Ben câest le mec qui est employĂ© du port et qui aide le crew du navire Ă quitter le port ou sây amarrer. âMais comment ça il est Ă bord ? Il est lĂ en ce moment câest ça ?» Je parle si fort et si vite que tout le monde me fixe avec surprise. Camil me regarde perplexe et rĂ©pond finalement Pour quitter le port de Buenaventura, un pilote colombien est montĂ© Ă bord pour nous aider Ă manĆuvrer, ensuite un petit bateau sâest collĂ© Ă nous en pleine mer et le pilote est descendu via une passerelle. Ici aussi, avant quâon arrive, un pilote pĂ©ruvien est montĂ© Ă bord avec un petit bateau. Il vient nous guider». Un pilote ! . 389 38 296 106 198 51 411 281